Transformer le CO2 en pierre pour lutter contre l’effet de serre – Illusion ou espoir ?

Une centrale électrique en Islande est parvenue à transformer le CO2 qu’elle émet en pierre. Plus loin, une usine fait la même chose avec l’air ambiant… Le réchauffement climatique sera-t-il bientôt un problème que l’on pourra, littéralement, enterrer ?

Rédigé par Stephen Boucher, le 12 Nov 2021, à 8 h 24 min
Transformer le CO2 en pierre pour lutter contre l’effet de serre – Illusion ou espoir ?
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Le CO2, ou dioxyde de carbone, est un problème… Principalement émis par l’industrie énergétique mais pas que ! Une solution depuis longtemps envisagée, et de retour sur le devant de la scène lors de la COP26, mais difficile à mettre en oeuvre est de « capturer » le CO2 et de l’enterrer pour réduire son impact sur l’atmosphère. Mais l’extraction de ce gaz à effet de serre – par des procédés chimiques – est généralement trop coûteuse pour être mise en oeuvre. De plus, on n’est jamais totalement sûr que le gaz ne puisse s’échapper des cavités dans lesquelles il serait enfoui.

Les recherches et les innovations pour recycler le CO2 vont bon train et certains projets retiennent l’attention…

Comment une centrale électrique islandaise transforme le CO2 en pierre

En 2016, une centrale électrique islandaise faisait une annonce prometteuse. En injectant du C02 sous forme de gaz dans le basalte volcanique, grâce à l’équipe du « projet CarbFix » – né en 2006, sous l’impulsion de l’université de Reykjavik (Islande), du CNRS de Toulouse, de l’Institut de la Terre à l’université de Columbia (Etats-Unis) et de la compagnie Reykjavík Energy – cette centrale géothermique avait pu convertir 95 % de ses propres émissions de CO2 en minéraux solides, sans avoir à recourir à une consommation d’énergie importante pour isoler le CO2.

La capture et stockage de CO2 : une solution coûteuse, limitée et risquée

Comment capture-t-on le CO2 s’échappant des cheminées d’une centrale électrique utilisant des carburants fossiles ? On équipe celles-ci de filtres avec des amines qui se lient aux molécules de dioxyde de carbone – À noter : à seulement un quart d’entre elles.

Une fois une partie du CO2 ainsi capturée, il faut libérer les amines en augmentant la température jusqu’à ce que le CO2 se transforme de nouveau en gaz. Ensuite, on refroidit de nouveau le gaz, jusqu’à ce qu’il se liquéfie, pour pouvoir enfin être pompé dans des cavités souterraines. En espérant que celle-ci ne fuit pas, parce qu’il faudra quelques centaines de milliers d’années au dioxyde de carbone pour se transformer en calcaire.

co2 pierre

Le centrale électrique géothermique de Hellisheidi en Islande- © Johann Helgason

Lire aussi : Transformer le CO2 en charbon : c’est à présent possible !

Le processus complet est coûteux, car fortement consommateur d’énergie, ce qui explique qu’il y ait si peu de projets de ce type dans le monde.

La solution islandaise : injecter le CO2 dans le basalte

Le cas islandais est particulier : les émissions proviennent d’une centrale géothermique. Alors que l’on pourrait penser qu’une telle centrale n’émet aucune émission de CO2, elle en émet tout de même, environ 5 % d’une centrale au charbon de puissance équivalente.

Les émissions provenant de la centrale, soit un mélange de CO2, de sulfure d’hydrogène et d’autres gaz, sont injectées dans la roche souterraine (le substrat basaltique), entre  500 m de profondeur. Une fois dans le basalte, les gaz se mélangent avec de l’eau, créant un liquide pétillant. La pression y est si intense que ces bulles ne s’échappent pas. Ce liquide, avec la pression et la chaleur, réagit avec le basalte, puis s’incruste dans les petites cavités de la roche brune. Et en seulement deux années, se transforme en veines crayeuses dans le sous-sol.

Le processus naturel de minéralisation prend des centaines des milliers d’années… Cette technique réduit ce temps à moins de deux ans !

Tandis que certains sites de stockage du CO2 enregistrent des fuites allant jusqu’à 75 % du gaz injecté, les chercheurs impliqués dans le projet CarbFix ont affirmé que seulement 5 % du CO2 pompé s’échappait.

Une solution au-delà de l’Islande ?

Cette solution ne pourrait-elle donc pas résoudre nos problèmes d’émissions de CO2 dans les processus industriels et de production d’électricité de grande taille ? Malheureusement, non. Comme on l’a dit, les centrales au charbon, par exemple, émettent environ 20 fois plus de gaz à effet de serre, et d’autres polluants. Il faudrait donc des lieux similaires pour injecter ces émissions en grande quantité, que l’Islande seule ne peut fournir. D’autre part, les émissions étant beaucoup moins pures, il n’est pas certain que la réaction avec le basalte serait aussi efficace.

Néanmoins, certains font observer que les fonds des océans sont souvent constitués de basalte et que de nombreuses centrales électriques sont situées près des côtes.

Peut-on aussi stocker efficacement le CO2 capté dans l’air en le transformant en pierre ?

Depuis septembre 2021, non loin de cette centrale pionnière, la start-up suisse Climeworks en partenariat avec CarbFix a inauguré une usine, appelée Orca, qui cette fois aspire non plus les résidus d’une centrale énergétique, mais l’air ambiant pour capter le CO2, avant de l’emprisonner dans le basalte souterrain.

CO2 pierre

Comment recycler le CO2 capté pour éviter les émissions de gaz à effet de serre ? – © Marharyta Kovalchuk

La structure aspire l’air par l’avant et le rejette purifié à l’arrière, après être passé dans un matériau filtrant sélectif. Une fois le filtre plein, il est chauffé pour récupérer le CO2 qui sera ensuite injecté à haute pression dans la roche basaltique, entre 800 et 2.000 mètres de profondeur… pour devenir de la roche !

Cette usine d’un nouveau genre, qui a coûté entre 10 et 15 millions de dollars, peut recycler jusqu’à 4.000 tonnes de CO2 par an, sachant qu’il faut traiter deux millions de mètres cubes d’air en moyenne pour capturer une seule tonne de CO2. Quand on sait qu’il faudrait en éliminer plusieurs milliards chaque année d’ici 2050…

Cette technologie pourrait donc être une solution partielle pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, aux côtés d’autres plus pérennes, notamment les économies d’énergie et les énergies renouvelables. Ce ne sera finalement pas si simple d’enterrer notre problème.

Article mis à jour et republié

Illustration bannière : La capture de CO2, une technologie prometteuse ?.- © Coatesy
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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

1 commentaire Donnez votre avis
  1. Je ne sais pas comment le CO2 se combine au basalte pour se minéraliser, mais l’explication du journaliset qui parle de former des « veines crayeuses » me parait très hazardeuse.
    En effet, la craie est composée de Calcium d’oxygène et de carbone (CaCO3)alors que le basalte est composé essentiellement de Silice et de Fer, sans calcium donc. L’article indique aussi qu’on y ajoute du sulfure d’hydrogène qui ne contient pas davantage de calcium. Comment dans ces conditions peut-on obtenir de la craie????

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